Le point de départ du projet était de pouvoir étudier les variations terminologiques intervenant au cours de l’étiquetage des troubles du langage par le professionnel à l’issue de l’étape d’évaluation des troubles de son interlocuteur (le bilan orthophonique).
Le diagnostic orthophonique ne se résume pas selon nous à une simple conclusion fondée sur des mesures évaluant un fonctionnement ou l’intégrité d’un système, mais procède bien d’un processus d’identification, d’interprétation de signes menant à la labellisation d’une affection et attribuant à une personne un statut pathologique.
Nous cherchions à faire se rejoindre une analyse de la démarche onomasiologique des orthophonistes au cours de la phase diagnostique, avec une démarche descriptive et sémasiologique permettant d’extraire les diverses variations terminologiques à partir des comptes rendus de bilan orthophonique. Plus simplement, nous avons cherché au cœur des écrits professionnels, les usages terminologiques pour en extraire des propriétés à la fois sémantiques et morphologiques spécifiques au domaine.
L’étude et l’annotation des candidats-termes en texte intégral permet une étude de la phase d’étiquetage à partir de critères linguistiques et non pas de critères issus de considérations biomédicales ou théoriques, et une étude du comportement linguistique des occurrences fréquentes et du format des termes diagnostiques: analyse sémantico-syntaxique sans standardisation.
Le corpus de CRBO a été constitué dans le cadre de ma thèse. Il est constitué de 436 textes authentiques (CRBO rédigés entre 2004 et 2007). Des étapes manuelles d’acquisition et d’anonymisation des textes ont été suivies par la constitution des métadonnées, puis des étapes semi-automatiques (Concordancier: AntConc , Codage XML et projet CLARIN-DATIST (http://www.clarin.eu/external/) ont permis de procéder à l’analyse du corpus et des termes diagnostiques extraits.
L’examen des métadonnées du corpus donne les résultats suivants :
- 98,6% des orthophonistes ayant participé à cette étude sont des femmes. Les deux régions les plus représentées sont l’Ile de France et la région Rhône-Alpes.
- Les groupes pathologiques évoqués dans les bilans montrent une répartition relativement classique d’après les données évoquées par L. Tain dans son ouvrage de 2007, soit environ 58% du temps de travail hebdomadaire consacrés aux troubles du langage oral et écrit.
- Les groupes d’âge des patients sont répartis entre 1,4% d’enfants de 0 à 3 ans et 10,1% pour les plus de 65 ans. La majorité des patients ont entre 3 et 12 ans. Le nombre croissant de personnes de plus de 65 ans bénéficiant de rééducation orthophonique met en exergue les besoins dus à l’évolution de la population générale vieillissante
- La répartition par genre de la population montre une légère disproportion puisque 53% des patients sont de sexe masculin et 46% de sexe féminin. Le nombre plus important de garçons reflète la réalité actuelle en matière de troubles du langage et de la communication (notamment la dysphasie, l’autisme), comme le montrent par exemple Choudhury et Benasich en 2003.
- Dans 69,8% des textes du corpus est mentionnée une utilisation explicite d’évaluation standardisée pour effectuer le bilan.
Par ailleurs, l’examen des termes diagnostiques identifiés montre :
- une fréquence remarquable de termes non spécifiques comme c’est le cas de difficulté(s)
- des particularités sémantico-syntaxique des mots appartenant aux textes orthophoniques et notamment la scission entre l’utilisation dans les CRBO de syntagmes faisant référence à une atteinte d’un système langagier (dysphasie, troubles spécifiques du langage oral, déglutition atypique) ou à une atteinte du fonctionnement de ce même système nécessaire au fonctionnement de l’individu (troubles de la compréhension du langage élaboré).
Thèse intitulée La terminologie crée-t-elle la pathologie ? le cas de la pratique clinique de la pose du diagnostic orthophonique. https://hal.archives-ouvertes.fr/tel-00655952