Relation de soin et normativité

OBJECTIFS

L’établissement d’une relation thérapeutique efficience entre l’orthophoniste, le patient et parfois son entourage, est la clé d’une alliance permettant de co-construire les objectifs de l’intervention.
Nous avons exploré cette relation au sein des travaux liés aux noms d’humains. L’examen des unités lexicales utilisées par les orthophonistes pour décrire les protagonistes au coeur des comptes-rendus orthophoniques montre combien la relation thérapeutique avec le patient est cruciale. Elle est mise en évidence par des signes de proximité (utilisation d’hypocoristiques comme « la fillette », « la maîtresse »). Du point de vue de la relation aux professionnels, l’utilisation de mots construits est évidemment privilégiée (ex : neuropédiatre).
le diagramme suivant montre ces liens entre relation personnelle et désignation des personnes impliquées.

Mais nous avons également exploré en quoi les normes (la « bonne santé » en orthophonie), pouvait être considéré par les orthophonistes (Brin-Henry 2011). Une étude récente de P. Alvès (2021) montre, dans une perspective sociologique, combien les représentations des normes sont variables chez les orthophonistes de France.

L’objectif de cette étude était de comprendre comment sont construites les normes de santé dans le regard des orthophonistes, de comprendre quels sont les déterminants de la frontière entre normal et pathologique. Le concept de normativité, élaboré par Georges Canguilhem, permet de prendre en compte la subjectivité du patient.
La méthodologie employée ici est inspirée de la méthodologie Q (questionnaire de Perreti), pensée pour être une étude de la subjectivité à partir de données quantitatives. L’analyse d’entretiens combinée à une recherche documentaire a permis de mettre en place un Q-sort de 20 affirmations. Un questionnaire contenant ce Q-sort a été diffusé.
L’étude a été diffusée auprès de 439 répondants. Une double analyse factorielle en centroid method avec rotation judgemental et en ACP avec rotation Varimax a permis de dégager 5 archétypes d’orthophonistes. L’analyse statistique et qualitative a démontré une grande variabilité de réponses, ainsi qu’une prééminence de la notion de fonctionnalité dans la décision de prise en charge.
L’étude aura démontré que la frontière entre normal et pathologique est avant tout une construction sociale, mouvante et interactive. Elle aura également justifié l’intérêt d’une prise en compte de la subjectivité du patient dans la décision de prise en charge, et encourage le développement de pratiques internormatives.

Contributeurs

Frédérique Brin-Henry (ATILF et CH Bar le Duc), Marie-Laurence Knittel (ATILF), Pedro Alvès (orthophoniste, université de Strasbourg) et Marianna Scarfone (Université de Strasbourg).

Pour en savoir plus

Alvès P. (2021). Analyse des représentations du nomral au pathologique en orthophonie. mémoire de recherche en orthophonie, université de Strasbourg.
Brin-Henry F. & Knittel ML. (2021). De qui parle-t-on – et comment – dans les comptes rendus de bilan orthophonique? in Alexandrovska A. & Meyer J-P (Dir) Nommer l’Humain : descriptions, catégorisations, enjeux (collection Langages et Discours en débats). Ed L’Harmattan.