Thèse

RÉSUMÉ DE THÈSE
Cette thèse (2011) a pour objet d’interroger sur la relation entre les troubles du langage et leur dénomination en orthophonie, comme par exemple en français « dysphasie, troubles spécifiques du langage écrit, aphasie, difficultés du langage écrit, retard de langage »… La terminologie employée par les orthophonistes pour décrire les pathologies rencontrées chez leurs patients a intégré celle des courants théoriques en évolution, ce qui objective des nuances nécessaires à la précision du diagnostic orthophonique qui sont apportées par les orthophonistes.
Dans la phase diagnostique, les orthophonistes font donc correspondre la réalité des difficultés mises en évidence chez le patient, les représentations que ces professionnels de santé ont des pathologies dont ils se préoccupent, et sélectionnent un terme qui leur convient dans les classifications qui sont à leur disposition.
Pour décrire l’inconstance de ce lien entre le terme diagnostique et la réalité de la pathologie étiquetée, F. Brin-Henry s’est appuyée sur des considérations épistémologiques, lexicologiques et terminologiques. Le bilan orthophonique permettant l’établissement de ce diagnostic est suivi par convention d’un compte-rendu de bilan orthophonique (CRBO), reflet de la langue de spécialité et révélateur de la représentation de ces troubles. Un ensemble de 435 comptes-rendus authentiques ont été explorés au moyen d’une analyse descriptive lexicologique et terminologique semi-automatique grâce à un codage XML, produisant ainsi une  » photographie  » de l’utilisation des termes concernant l’ensemble des pathologies dont s’occupe l’orthophoniste. L’analyse a permis de distinguer deux niveaux terminologiques (un traitant de la nature du trouble, et un de sa forme), illustrant les nuances nécessaires aux orthophonistes dans des syntagmes que l’on peut qualifier de collocationnels. La dernière phase d’analyse de ces données a permis de tisser la trame d’une proposition de classification orthophonique, la COFOP (Classification Orthophonique FOndée sur la Pratique clinique). Cette thèse est disponible sur HAL et en cliquant sur ce lien.
COMPTES RENDUS DE BILAN ORTHOPHONIQUE

Examen des écrits professionnels
 
Le point de départ du projet était de pouvoir étudier les variations terminologiques intervenant au cours de l’étiquetage des troubles du langage par les orthophonistes, à l’issue de l’étape d’évaluation des troubles de son interlocuteur (le bilan orthophonique). Le diagnostic orthophonique ne se résume pas à une simple conclusion fondée sur des mesures évaluant le fonctionnement ou l’intégrité d’un système, mais procède bien d’un processus d’identification, d’interprétation de signes menant à la labellisation d’une affection et attribuant à une personne un statut pathologique. Dans sa thèse, Frédérique Brin-Henry cherchait à faire se rejoindre une analyse de la démarche onomasiologique des orthophonistes au cours de la phase diagnostique, avec une démarche descriptive et sémasiologique permettant d’extraire les diverses variations terminologiques à partir des comptes rendus de bilan orthophonique (CRBO). Plus simplement, au cœur des écrits professionnels se trouvent les usages terminologiques, qui permis d’extraire des propriétés à la fois sémantiques et morphologiques spécifiques au domaine. L’étude et l’annotation des candidats-termes en texte intégral permet une étude de la phase d’étiquetage à partir de critères linguistiques, et non pas de critères issus de considérations biomédicales ou théoriques. L’étude du comportement linguistique des occurrences fréquentes et du format des termes diagnostiques a permis une analyse sémantico-syntaxique sans standardisation.
 
Principaux résultats et poursuite du projet
 
Le corpus de CRBO a été constitué dans le cadre de cette thèse. Il est constitué de 436 textes authentiques (CRBO rédigés entre 2004 et 2007). Des étapes manuelles d’acquisition et d’anonymisation des textes ont été suivies par la constitution des métadonnées, puis des étapes semi-automatiques (Concordancier: AntConc , Codage XML et projet CLARIN-DATIST (http://www.clarin.eu/external/) ont permis de procéder à l’analyse du corpus et des termes diagnostiques extraits.

L’examen des métadonnées du corpus donne les résultats suivants :

  • 98,6% des orthophonistes ayant participé à cette étude sont des femmes. Les deux régions les plus représentées sont l’Ile de France et la région Rhône-Alpes
  • Les groupes pathologiques évoqués dans les bilans montrent une répartition relativement classique d’après les données évoquées par L. Tain (2007), soit environ 58% du temps de travail hebdomadaire consacrés aux troubles du langage oral et écrit
  • Les groupes d’âge des patients sont répartis entre 1,4% d’enfants de 0 à 3 ans et 10,1% pour les plus de 65 ans. La majorité des patients ont entre 3 et 12 ans. Le nombre croissant de personnes de plus de 65 ans bénéficiant de rééducation orthophonique met en exergue les besoins dus à l’évolution de la population générale vieillissante
  • La répartition par genre de la population montre une légère disproportion puisque 53% des patients sont de sexe masculin et 46% de sexe féminin. Le nombre plus important de garçons reflète la réalité actuelle en matière de troubles du langage et de la communication (notamment la dysphasie, l’autisme)
  • Dans 69,8% des textes du corpus est mentionnée une utilisation explicite d’évaluation standardisée pour effectuer le bilan.

Le schéma suivant montre la chronologie de constitution et d’analyse des candidats-termes.


Ainsi, l’examen des termes diagnostiques identifiés montre :

  • une fréquence remarquable de termes n’appartenant pas au vocabulaire médical habituel comme c’est le cas de difficulté(s)
  • des particularités sémantico-syntaxique des mots appartenant aux textes orthophoniques et notamment la scission entre l’utilisation dans les CRBO de syntagmes faisant référence à une atteinte d’un système langagier (dysphasie, troubles spécifiques du langage oral, déglutition atypique) ou à une atteinte du fonctionnement de ce même système nécessaire au fonctionnement de l’individu (troubles de la compréhension du langage élaboré).

Documentation et publications
 
Brin-Henry F. (2012). Le diagnostic orthophonique comme clé de voûte du bilan. Communication à la  Journée de l’association de formation continue de l’école d’orthophonie de Nantes.
Brin-Henry F. (2011). La terminologie crée-t-elle la pathologie? le cas de la pratique clinique de la pose du diagnostic orthophonique. thèse de sciences du langage, Université de Nancy 2. disponible sur Hal