QU’EST-CE QUE LA TERMINOLOGIE ?
On entend par terminologie l’ensemble des termes ainsi que la structure conceptuelle (termino-ontologie) d’une langue de spécialité (Cabré 2003). Nous considérons que la terminologie s’intéresse autant au terme (=désignation verbale d’un concept dans un domaine spécifique) qu’au concept (= unité de connaissance créée par une combinaison unique de caractéristiques) selon la norme ISO 1087:2019.
La problématique de la terminologie orthophonique en français est multiple. En effet la nature et la fréquence d’utilisation des termes orthophoniques est le fruit d’une intégration de termes issus des Sciences Médicales (ex : « laryngectomie ») comme des Sciences Humaines et Sociales (ex : « digraphe, assimilation »). De plus la conception même des maladies dépend de la langue qui véhicule ces concepts (par exemple « dysphasie » en français ne se traduit pas en anglais britannique par « dysphasia » malgré la forme proche, car elle correspond à un autre concept dans cette langue, mais par « specific language impairment ». A l’inverse, « dysphasia », quoiqu’en perte d’usage (Worrall et al 2016), correspondrait à une forme atténuée d’« aphasia ».
L’ensemble de ces travaux s’inscrit dans un projet de clarification terminologique, s’éloignant de la base biomédicale de la perception de la santé pour intégrer des concepts des sciences humaines et sociales. Cette dualité appartient aux orthophonistes, qui savent intégrer des paradigmes émanant de disciplines très diverses (de l’acoustique à l’éthique, de l’anatomie et de l’autisme à la maîtrise de l’orthographe).
En effet les limites des classifications biomédicales sont perceptibles du côté de l’orthophonie. Les travaux portant sur des corpus montrent que les orthophonistes sont créateurs d’unités linguistiques complexes, prouvant que ce qui est à disposition ne suffit pas.
De plus les traductions ne permettent pas toujours de trouver un équivalent. Ainsi les troubles de l’oralité sont nommés ainsi en France mais pas en Belgique. A l’inverse, les troubles de la fluence sont venus progressivement englober les bégaiements dénommés en France. Enfin, certains paramètres ne transparaissent pas suffisamment dans les classifications et les vocabulaires empruntés. Par exemple la temporalité, concept très important en orthophonie, n’est pas explicite dans les termes actuels, mais transparaît dans leur usage.
Du point de vue des concepts, les orthophonistes mobilisent des représentations en lien avec leurs observations, et dans le processus diagnostique parviennent à sélectionner un terme qui va correspondre le mieux à la situation présente. Ces représentations peuvent être structurées en concepts, le schéma suivant (triangle d’Ogden-Richard) est une façon d’en illustrer le modèle.
OBJECTIFS
Les travaux entrepris ont permis de se pencher sur les représentations des orthophonistes. Ces concepts sont en-dehors des réalisations linguistiques, c’est-à-dire qu’ils ne peuvent être directement extraits des discours. Dans nos travaux, nous avons tout d’abord examiné les pratiques et les discours des orthophonistes afin de mieux comprendre comment ils évoquent les troubles, comment ils parlent des patients, et nous en avons extrait des caractéristiques permettant de qualifier les concepts utiles aux orthophonistes. Ces concepts sont relatifs au processus du bilan et à la conception des pathologies selon un axe temporel.