PRESENTATION
L’
aphasie résulte, selon Trousseau (1864), en une perturbation du code linguistique, affectant l’encodage (versant expression) et/ou le décodage (versant compréhension), et qui peut concerner le langage oral et/ou écrit. Ce trouble n’est lié ni à un état démentiel, ni à une atteinte sensorielle, pas plus qu’à un dysfonctionnement périphérique de la musculature pharyngolaryngée, mais à une atteinte cérébrale localisée ou diffuse, généralement dans la zone frontale, pariétale et/ou temporale de l’hémisphère gauche, d’origine essentiellement vasculaire, traumatique ou tumorale. Le patient est dit « aphasique ». Il existe plusieurs formes d’aphasie et même plusieurs taxonomies (
Dictionnaire d’orthophonie, 2021).
OBJECTIFS
Les travaux entrepris concernant la terminologie ont conduit à interroger d’une part la classification des aphasies, pour proposer le critère de la
temporalité comme significatif pour les orthophonistes.
Par ailleurs, dans le cadre de notre
participation au projet ANR Demonext, nous avons constitué et étudié un corpus d’unités lexicales produites par les personnes avec aphasie, et qui comportent des transformations (paraphasies morphologiques) par rapport à l’unité lexicale attendue.
Sur un plan exploratoire, la réflexion permet de clarifier le processus de transformation entre une unité lexicale attendue par l’orthophoniste dans une tâche donnée, et l’unité lexicale prononcée par une personne avec aphasie.
METHODE ET RESULTATS
Dans un premier temps nous avons annoté dans un corpus préparatoire le processus par lequel une personne avec aphasie a dit « ramasse-poussière » ou « aspiration » plutôt que « aspirateur ». Est ce que le suffixe « eur » a induit la production du syntagme V+N chez le premier patient (qui aurait conservé la perception de « eur » en tant qu’indicateur d’une action), ou bien chez le deuxième patient la production d’un dérivé qui modifie ce même suffixe montre qu’il conserve une perception plus proche de l’item attendu (aspirateur)?
Nous cherchons des indices intrinsèques à l’unité lexicale (sur le plan morphologique, voire sémantique), qui induisent les transformations observées. Nous partons du postulat que certaines personnes avec aphasie conservent un « modèle » morphologique à un niveau lexical, qui va orienter la façon dont ils compensent (ou pas) une difficulté à accéder à l’unité lexicale attendue par l’interlocuteur.
Sur un plan clinique, les résultats orienteront des perspectives de construction de lignes de base (modules d’entraînement clinique pour les patients) par les orthophonistes, en utilisant la base de données
DEMONEXT. Les critères de fréquence, la présence de suffixes, l’âge d’acquisition et le nombre de syllabes sont des critères que nous prendrons en compte.
Nous poursuivons actuellement ces travaux dans le but de faciliter l’accès à la base de données Demonext pour que les orthophonistes puissent sélectionner une tâche et des items permettant d’évaluer et de traiter ces dimensions morphologiques chez l’adulte avec aphasie.
Contributrices
Frédérique Brin-Henry (ATILF, CH Bar le Duc), Fiammetta Namer (ATILF, Université de Lorraine), Mélanie Rigollet (M1 et M2 CFUO de Nancy), Estelle Amann (M1 CFUO de Nancy).
Pour en savoir plus
Brin-Henry F. & Rigollet M (à paraître). Etude formelle des atteintes morphologiques d’un corpus de 184 paraphasies : rapport descriptif.